Ce texte a pris corps à la suite des ateliers de conscientisation en alphabétisation sur les conséquences des coupures annoncées.
Nous, les apprenantes et les apprenants du Centre N A Rive, nous nous sentons perdus dans le débat sur l’austérité qui, semble-t-il, s’appelle aussi la relance économique. Nous avons écouté le gouvernement, les partis d’opposition, les manifestants, les médias, échangé avec ceux d’entre nousqui ont participé aux manifestations, bref, tout le monde, mais nous n’avons presque rien compris. Tout est mélangé. Une vraie cacophonie, selon notre formateur! Mais avec l’aide de ce dernier, nous avons consulté l’Internet, les dictionnaires Larousse et le Petit Robert, lu les informations envoyées par le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation (RGPAQ) pour démêler tout ça. Nous avons retenu, d’un côté, les mots dureté, fermeté, rigidité, rigueur, etc. et, de l’autre, les mots facilité, bonheur, plaisir auxquels nous avons ajouté celui de prospérité. Grâce à ce travail, très ardu pour nous, nous avons compris que le mot austérité est le contraire de prospérité, de relance économique! Alors, si l’objectif est de nous amener vers la prospérité, le gouvernement fait fausse route. Ce n’est pas avec les coupures dans le développement social que la population va se porter mieux. Austérité rime avec désabusement, déprime, angoisse, anxiété, désespoir, détresse, désolation à petit feu. Austérité met en péril la reprise économique. La politique d’austérité est synonyme d’échec partout où elle est imposée. Le cas de la Grèce en est un exemple. L’austérité lui a été imposée par l’Union européenne, avec la complicité de ses dirigeants, sous prétexte d’assainir les finances publiques du pays, mais le peuple l’a combattue avec vigueur et a démocratiquement montré son désaccord avec son bulletin de vote, en élisant un nouveau gouvernement. Les Grecs ont bien compris que l’application d’une telle politique mène tout droit à l’injustice et aux inégalités sociales. C’est pourquoi, nous voulons unir nos forces avec tous les concernés pour faire reculer notre gouvernement. Il faut qu’il entende raison!
D’ailleurs, on peut encore se demander ce que cette politique apportera à ceux et celles qui vivent déjà dans l’austérité quotidiennement. Nous voulons parler surtout des pauvres, des démunis, des analphabètes,de celles et ceux qui sont faiblement scolarisés. C’est la grande question que nous devons poser aux dirigeants dans ce contexte économique difficile.
Comme adultes, parents, aînés responsables, nous croyons fermement que l’économie devrait être au service de l’humain et non le contraire. Pourtant, en écoutant tout simplement les politiques, les mesures qui sont prises ou annoncées, nous constatons que le bien-être collectif est relégué au second rang, au profit du redressement économique. Le résultat est une vie intenable pour les plus démunis, l’étouffement de la classe moyenne qui sera plus vulnérable que jamais. Plusieurs composantes de la société seront ainsi directement ou indirectement touchées, sauf les mieux nantis.
À propos de l’Éducation, avec cette révision amorcée par le gouvernement, elle est considérée comme étant une dépense au lieu de la voir pour ce qu’elle est véritablement : un investissement. L’éducation est à la base de la richesse et du développement de la société. Plus le système éducatif est puissant, plus le pays est riche en personnes formées, capables d’innover, de faire des recherches et de développer toutes sortes de produits et de techniques. Plus il y aura d’emplois, plus le gouvernement recevra des revenus de l’impôt et plus il pourra assurer une meilleure distribution de la richesse. Les coupures que le gouvernement envisage d’entreprendre dans le domaine concerné atteindront toutes les couches de la société.
Prenons notre situation en exemple, nous, personnes analphabètes et faiblement scolarisées, qu’on veut cacher à tout prix pour ne pas nous comptabiliser dans cette société du savoir. Selon certaines statistiques, un cinquième des Québécois est analphabète, mais aucune mesure appropriée n’est prise pour mettre fin à ce fléau qui menace le bien-être du peuple. Que dire des modifications de tarifs au programme de la petite enfance? Les effets vont se faire ressentir dans l’immédiat, à moyen et à long termes. Et les réductions budgétaires imposées aux commissions scolaires? Certains services très utiles comme l’aide au devoir finiront par devenir de vraies peaux de chagrin pour disparaître par la suite. Nos enfants et nos petits enfants qui peinent beaucoup à l’école seront les premiers touchés, et leur avenir sera bouché. Aucune perspective possible pour eux, car avec des études incomplètes, ils seront condamnés à vivoter. Mais cela ne s’arrête pas au primaire et au secondaire. Il en est de même pour les Cégeps et les Universités qui seront privés de plusieurs millions de dollars. Pour y faire face, ils couperont dans leur programme et augmenteront les frais aux étudiants, ce qui réduira l’accès à ces lieux de savoir aux enfants issus de la classe moyenne et à ceux des familles démunies. Ceux qui nous gouvernent oublient-ils que c’est par l’Éducation qu’on prépare la citoyenne, le citoyen de demain? Font-ils semblant de ne pas savoir que c’est elle qui définit le type de société que l’on veut avoir? L’Éducation est le gage de notre réussite. C’est elle qui prépare la personne appelée à devenir le bon ouvrier, le bon mécanicien, le bon enseignant, le bon écrivain, le bon artiste, le bon ingénieur, le bon médecin, etc. En peu de mots, la prospérité d’un pays passe par l’Éducation. Unissons-nous pour sauver nos acquis!
Portrait de l’analphabétisme au Québec
1,3 million d’adultes québécois ont de grandes difficultés avec la lecture
Selon les données de la dernière Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA, 2003), on évalue que 1,3 million d’adultes québécois de 16 ans et plus ont de grandes difficultés avec la lecture.
Cette enquête a été menée en 2003 auprès de plus de 23 000 Canadiens. Elle avait pour objectif d’évaluer leurs compétences en littératie, soit la compréhension de textes suivis et de textes schématiques, la numératie et la résolution de problèmes. Elle a donné lieu notamment à un portrait comparatif entre les provinces et territoires canadiens sur cette question.
(Extrait du dossier sur l’analphabétisme, du Regroupement des Groupes Populaires en Alphabétisation du Québec)
Parole des apprenantes et des apprenants du Centre N A Rive.
Le Centre N A Rive est un organisme d’action communautaire autonome qui propose des activités éducatives, d’insertion sociale et socioprofessionnelle, de loisir et de culture aux personnes faiblement scolarisées, issues de l’immigration ou non, pour les aider à renforcer leurs capacités, améliorer leurs conditions de vie et participer activement à la vie de la société.